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Structuration sociale du temps

Comprendre comment développer authenticité et confiance

STRUCTURATION SOCIALE DU TEMPS

Ou comment les personnes occupent leur temps relationnel

Christine Marsan

Extrait d’une annexe remaniée du livre Gérer et surmonter les conflits, Dunod, 2010.

Cet articles remanié à partir de la théorie initiale d’Eric Berne, il est enrichi par plusieurs années de pratique et les mises à jour scientifiques.

En tant qu’être humain nous sommes principalement des individus sociaux, nous avons besoin d’autrui pour exister et nous construire comme être humain. Chaque jour, nous avons des relations avec d’autres personnes[1]. Nous ne naissons pas êtres humains, nous le devenons.

On ne nait pas Homme on le devient.

Erasme

Cet article examine la manière dont nous occupons / structurons notre temps social avec autrui, c’est-à-dire quelles sont les modalités relationnelles avec lesquelles nous interagissons et qui nous permettent d’obtenir des signes de reconnaissance et de maintenir un lien avec autrui.

Ce qui se traduit par le besoin d’interagir avec les autres et parfois nous préférons des relations dégradées plutôt que l’indifférence. Toutefois, nous aspirons, tous à des relations de qualité, au bonheur et à l’harmonie avec autrui.

Pour y parvenir, nous avons besoin d’établir des relations de confiance et cette dernière se construit étape par étape ce qui se caractérise par ce qu’est qu’Eric Berne appelle la structuration (sociale) du temps. Ce sont les phases que nous traversons pour aller de l’anonymat ou de l’indifférence à la rencontre authentique et profonde avec l’autre, condition de relations durables.

Ainsi, afin d’obtenir et donner des signes de reconnaissances, nous dispose de sept possibilités, explicitées ci-dessous, dans l’ordre croissant d’engagement émotionnel qu’elles impliquent :

A chaque étape, l'intensité des strokes (interactions et signes de reconnaissance) augmente à mesure que nous passons du retrait à l'intimité. Ces strokes évoluent également en qualité, l’intensité devient positive à partir de l’intimité, auparavant, les relations peuvent aussi être intenses mais avec des effets parfois positifs et négatifs pour la qualité de la relation.

Description des 7 étapes de la structuration du temps social

RETRAIT/OBSERVATION

Cette étape caractérise deux moments relationnels, soit l’observation, soit le retrait.

Observation

L’observation correspond au moment où nous rencontrons une personne pour la première fois. Nous avons besoin d’un certain temps avant d’entrer en relation avec elle et même avant de lui dire bonjour. Comme le dit l’adage, nous avons besoin de « savoir à qui nous avons affaire ». Cette observation, activée par nos neurones miroirs, va nous permettre de savoir comment communiquer avec elle, nous établissons d’abord un lien d’empathie, puis, nous nous synchronisons[2]pour optimiser nos chances de mettre en place une bonne qualité de relation.

Ensuite, nous entrons dans l’étape suivante qui est celle des rituels.

Retrait

La situation de retrait est différente, elle correspond à un besoin de se protéger du reste du groupe. Quand une personne se met en retrait, elle reste peut-être avec le groupe physiquement, mais elle n'échange pas avec les autres membres.

Dans la mesure où « je ne suis pas engagé dans une communication avec d'autres, j'évite le "risque" psychologique de rejet que je peux percevoir dans l'Enfant. »

C’est également moins coûteux en énergie que prendre le risque de la confrontation avec autrui qui peut conduire à une situation de conflit.

Toutefois, selon ses besoins ou sa personnalité[3], se mettre en retrait pendant une grande partie du temps, peut faire courir le risque du rejet, de l’évitement et de l’indifférence. Le reste du groupe se lassant du manque d’interaction finit par ignorer celui ou celle qui choisit le retrait.

RITUELS

Le rituel le plus connu est le « bonjour », souvent accompagné de « comment ça va ? ».

Sa fonction est de marquer un signe de politesse et de reconnaissance de la présence d’autrui sans qu’il y ait pour autant l’intention d’entamer un dialogue ou une véritable discussion.

Lorsque cela manque, nous nous sentons mal à l’aise car pas reconnu, dans notre simple existence, pas vu en quelque sorte par l’autre. Cela peut être même perçu comme un signe d’exclusion, surtout si c’est répété.

C’est un rituel car dans la majorité des cas, personne d’attend de réponse, c’est un rituel de reconnaissance de la présence d’autrui, une marque de courtoisie et de respect.

Cependant, pour certains qui ont comme caractéristique de personnalité de rechercher des relation authentiques[4], ils peuvent mal vivre ce manque de « considération » surtout s’ils ont besoin d’entamer un réel dialogue.

C’est donc le premier niveau de strokes (signes d’interaction relationnelle) positifs et connus. C’est aussi un repère social et culturel. La norme des bonjours change selon les cultures, les groupes sociaux et les organisations : poignées de main, embrassades et autres codes culturels qui facilitent la reconnaissance comme membre d’un groupe spécifique.

PASSE-TEMPS

C’est le moment durant lequel nous échangeons des « banalités » et nous parlons de météo, de ce que nous avons vu à la télévision. Ce sont les conversations dans les taxis, avec des inconnus, lorsque l’on attend et qu’il semble difficile de ne pas échanger quelque chose, mais la barrière du convenu masque les possibles conversations plus essentielles.

Un passe-temps, comme un rituel, se déroule d'une manière connue, mais son contenu n'est pas programmé aussi strictement que celui d'un rituel ; les acteurs ont plus de latitude pour aborder une certaine variété de sujets[5].

Dans tout passe-temps, les personnes parlent de quelque chose qui ne les engagent ni dans une action ni dans implication relationnelle.

Une indication fréquente du passe-temps, c'est quand "passe-temps" égale "temps passé"'.

Nous testons le lien à aurui et ses modaliéts relaitonnelels comme son niveau de structuration sociale (sans le savoir), cette personne peut-elle aller vers de l’authenticité assez directement ou maintient-elle des barrières…

Parfois, ce sont les discussions à la machine à café peu engageantes ou alors basées sur les jugements sur autrui et les rumeurs partagées et à nouveau véhiculées à l’issue de l’échange.

Dans les échanges sociaux, c'est une manière pour les gens de "se sonder" pour trouver les partenaires éventuels d'un échange de strokes plus intenses qui aura lieu dans les jeux ou dans l'intimité.

ACTIVITES

Une fois les rituels et passent-temps terminés, la plupart des personnes surtout dans une organisation, se mettent à travailler, ensemble.

Dans l'activité, les gens concentrent leur énergie pour obtenir un résultat concret. La communication vise à atteindre un but, pas seulement à en parler.

Les strokes apportés par l'activité peuvent être à la fois conditionnels positifs et conditionnels négatifs.

Cependant, la proximité relationnelle aboutit à « mieux » se connaître sans pour autant établir des relations authentiques et de qualité. Les différences de fonctionnement peuvent aboutir à des tensions qui vont donner lieu à des commérages (étape suivante).

COMMERAGES

Cette étape correspond à ce que décrit Yuval Noah Harari dans Sapiens[6]à savoir que l’être humain en se développant a construit des interactions sociales basées sur les discussions portées sur les membres du groupe et de la communauté. Cela aurait participé au développement de nos compétences langagières et permis de tisser des liens durables entre les gens.

Toutefois, nombre de ces échanges sont surtout des jugements et des critiques sur autrui qui fomentent commérages et rumeurs et peuvent être source de discorde.

Ils provoquent de l’intensité relationnelle par les jeux d’alliance « pour » ou « contre » telle ou telle personne ou groupe social. Les discussions peuvent être vivent et animées et mobilisent toute une palette d’émotions.

JEUX

Les jeux psychologiques[7]sont ce moment de la relation où la fluidité s’est interrompue. Tout devient compliqué, les interactions sont difficiles et douloureuses, les jugements et les critiques fusent. Les émotions sont mobilisées et tout le monde est à fleur de peau, les conflits sont larvés ou éclatent de par les malentendus liés aux différences de personnalité, d’enjeux, de compréhension de la réalité.

L’étape des jeux psychologiques donne l’impression que les échanges sont bloqués et tournent en rond. Chacun tourne autour de trois rôles : victime, persécuteur, sauveteur. Le fait d’être bloqué sur une vision de la réalité et d’avoir du mal à en sortir conduit à ce que la tension monte entre les protagonistes de l’histoire jusqu’à ce que cela se termine par un coup de théâtre. La cocotte minute explose afin que la tension diminue.

Les personnes « jouent » plutôt que de parvenir à une situation de communication authentique, souvent parce qu’ils ne savent pas comment établir d’autres types de relation et ce stade procure une grande intensité de strokes qui, s’ils ne sont pas encore positifs, apportent au moins de l’intensité.

INTIMITE / AUTHENTICITE

Enfin, nous parvenons à établir des relations de qualité, privilégiant l’authenticité lorsque nous nous sentons en confiance et en affinité avec autrui.

Alors nous nous livrons car nous ne nous sentons pas jugés. Nous exprimons nos sentiments et nos désirs authentiques sans les censurer. Nous réussissons à parler nos différences et à formuler nos besoins.

Dans l'intimité/authenticité, il n'y a pas de "messages secrets", le niveau social et le niveau psychologique sont cohérents et là réside la différence majeure entre l'intimité et les jeux.

Dans un jeu, chaque personne fait porter à l'autre la responsabilité du résultat. Dans l'intimité, chacun assume sa propre responsabilité.

Enfin, si les jeux psychologiques épuisent de par la charge émotionnelle mobilisée par les relations conflictuelles, l’intimité/authenticité, à l’inverse, apporte réconfort, apaisement et surtout recharge émotionnellement. Les personnes sortent d’un moment de relation authentique, régénérées.

LA STRUCTURATION DU TEMPS

SYNTHESE

LE RETRAIT

Isolement physique ou mental (rêverie, réflexion, etc.) La personne en situation de retrait ne compte que sur elle-même pour recevoir des stimulations positives ou négatives.

LE RITUEL

Echange de stimulations sûr et prévisible dans lequel la personne se conduit de façon répétitive vis-à-vis d’autrui (rituel de salutations), et aussi d’elle-même (rituel du rasage, ou du maquillage).

LES PASSE-TEMPS

On « parle de quelque chose » sans autre but que de recueillir des signes de reconnaissance, sans trop de risques, et ainsi de repérer d’éventuels partenaires pour une relation plus impliquée.

L’ACTIVITE

L’énergie est orientée vers un but et vers des objets extérieurs (travail, sport, violon d’Ingres, études, etc.). Les activités, parce que productrices ou créatrices, procurent beaucoup de stimulations.

LE COMMERAGE

Le temps est passé à juger, critiquer, parler sur autrui, souvent le dévaloriser et colporter rumeurs et ragots sur l’autre.

« LES JEUX »

Manipulations émotionnelles de soi ou d’autrui aboutissant systématiquement à des sentiments désagréables, mais prévisibles, donc « rassurants ».

L’INTIMITE

Expérience gratifiante d’échange direct et spontané, des signes de reconnaissance avec soi-même et avec autrui, sans but caché.

L’intimité découle de la confiance et donc de l’absence de défenses.

Bibliographie :

Eric Berne, Des Jeux et des Hommes, Stock, 1984.

John Bowlby, Attachement et perte. 1-L’attachement, Le fil rouge, Puf, 2002.

Christine Marsan, Gérer et surmonter les conflits, Dunod, 2010 ; Choisir la paix, InterEditions, 2012.

Christel Petitcollin, Victime, bourreau ou sauveur, comment sortir du piège ?Poches, Jouvence, 2011.

Gioacomo Rizzolatti, Corrado Sinigaglia, Les neurones miroirs, Odile Jacob, 2011.

Ian Stewart,Vann Joines, Manuel d’Analyse Transactionnelle, InterEditions, 2014.

 

[1]La fréquence dépend de notre vie de famille, vivons-nous seuls, en couple, en famille nucléaire ou en clan, et dans quel territoire, vivons-nous dans un village ou une grande ville ? Toutefois, avec les réseaux sociaux, les interactions peuvent être quotidiennes même pour une personne isolée.

[2]Synchronisation bien décrite dans la PNL : Richard Bandler, John Grindler, Les secrets de la communication, J’ai Lu, 2011.

[3]Voir le modèle Insights.

[4]Personnalité de type « vert ».

[5]Plus l’environnement est multiculturel et plus ces codes sont multiples donc brouillés.

[6]Yuval Noah Harari, Sapiens, Albin Michel, 2015. Une réserve : je ne partage pas une bonne partie de ces analyses qui participent à renforcer la vision de la nature de l’homme négative et violente. Postulat largement contredit par de nombreux scientifiques par ailleurs. Mais sur ce point, je note l’apport.

[7]Voir document sur les jeux psychologiques.

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